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Les Cantiques spirituels en occitan : XVII-XIXe siècles
Escarpit, David (1980-....)
Les cantiques spirituels sont des textes religieux qui ne font pas partie du rituel catholique romain. Ils sont d'ailleurs généralement en langue vernaculaire, et non pas en latin, et sont pensés pour être chantés. Il s'agit de poèmes ayant pour sujet la doctrine catholique, l'histoire sainte et le comportement d'un parfait chrétien. Ils sont caractéristiques de l'époque de la Contre-Réforme ou Réforme catholique. La Contre-Réforme est un ensemble de mesures prises au sein de l'Église catholique suite aux conclusions du concile de Trente (1545-1563). Ces réformes visent à contrer le développement de la Réforme protestante, en modifiant le rituel catholique, en introduisant de façon importante la musique dans les célébrations religieuses, et développant les écrits en langue vernaculaire, préférablement au latin, afin de toucher plus efficacement les populations. Le diocèse de Toulouse en particulier se montre actif dans cette reconquête catholique vers le milieu du XVIIe siècle.

Une édition importante en pays d’Oc

Plusieurs recueils de cantiques spirituels en occitan ont été imprimés en pays d'Oc, principalement entre le XVIIe et le début du XIXe siècle, de Bordeaux à la Provence en passant par le Rouergue. La plupart sont entièrement ou partiellement rédigés en occitan. On peut constater vers la fin du règne de Louis XIII et au début de celui de Louis XIV un essor des recueils de cantiques spirituels en langue d'oc. Cet essor est à relier avec celui des noëls en langue vernaculaire, déjà ancien, à cela près que les cantiques spirituels n'ont pas forcément pour propos la Nativité (qui est toutefois présente, ne serait-ce que dans l'Angélus), mais tout ce qui concerne la morale religieuse, les prières et l'histoire sainte.
Jean Eygun dans Au risque de Babel, synthèse sur le texte religieux en langue occitane de cette période, date cet essor des alentours de l’année 1673, malgré la présence d'oeuvres imprimées antérieurement, dans les années 1630, 1640 et 1650, relatives à des missions catholiques principalement dans la zone pyrénéenne, où elles furent particulièrement nombreuses. À l'instar des noëls, la Provence figure en bonne place de la production de cantiques spirituels en occitan, ainsi que la région toulousaine.

Occitanie, terre à convertir : les éditions de cantiques spirituels en domaine occitan du XVIIe au XIXe siècle

Parmi les nombreuses impressions de cantiques spirituels en occitan (plus ou moins mêlé avec le français) du XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, nous pouvons citer :

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De la Ligue pour la langue d’oc à l’école à la FELCO : groupes et collectifs pour l’enseignement de l’occitan
Escarpit, David (1980-....)

1875-1923 : les prémisses de la revendication d’Oc pour l’école : la revendication félibréenne

1875
Mistral publie dans l’Armana Prouvençau un article dans lequel il demande que les enfants provençaux - occitans - puissent bénéficier d’un enseignement dans leur langue, et même bénéficier d’un cursus scolaire complet en occitan. C’est la première prise de position publique du Félibrige sur la question.

1876
Joseph Lhermite (en religion frère Savinien), professeur et frère des Écoles chrétiennes, se fait un des tenants de l’usage de l’occitan comme méthode pour aider les enfants des pays du Midi à acquérir le français. Dès lors apparaissent deux lignes idéologiques antagonistes de défense de l’occitan à l’école : enseigner l’occitan pour enseigner le français ou l’enseigner pour lui-même. Il publie cette année-là son Recueil de versions pour l’enseignement du français en Provence par un professeur. Troisième partie qui passera à la postérité sous le nom de Méthode Savinienne.

1876-1883
Sous l’influence du Félibrige et de la récente Société pour l’étude des langues romanes, plusieurs chaires de langue et culture occitanes (sous des intitulés divers) sont ouvertes dans les universités des villes du Midi. C’est ainsi que Léon Clédat est nommé à Lyon en 1876, Camille Chabaneau à Montpellier en 1878, Achille Luchaire à Bordeaux en 1879 et Antoine Thomas à Toulouse en 1883 à des chaires d’études romanes. Tous sont plus ou moins spécialisés dans les études occitanes.

1878
Dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, Michel Bréal, futur inspecteur général de l’Instruction Publique pour l’enseignement supérieur, harangue 1.500 instituteurs venus de toute la France, se positionnant en faveur d’une présence des langues minoritaires à l’école, jugeant que d'un point de vue pédagogique, c’est toujours une chose dangereuse d’apprendre à l’enfant à mépriser ce qu’il doit à la maison paternelle. Ses propos sont applaudis.

1886
Antonin Perbosc lance et entretient un long débat sur l’usage des « patois » à l’école dans les colonnes du journal La Tribune des instituteurs.

1889-1893
En 1889, Alfred Jeanroy succède à Antoine Thomas à Toulouse, ancrant fermement et développant grandement les études occitanes dans l’établissement toulousain. En 1893 une chaire de « langue et littérature du Sud-Ouest » est ouverte par la ville de Bordeaux à la faculté de Lettres. Elle est confiée au romaniste Édouard Bourciez.

1894
L’instituteur agenais P.-Émile Boudon publie son Manuel élémentaire de linguistique pour l’enseignement du français par les idiomes locaux. Dans le débat qui agite  les tenants de l’occitan à l’école, l'application au sous-dialecte agenais positionne l'auteur dans le camp de ceux qui plaident l’usage de l’occitan comme outil pour faciliter l’apprentissage du français (en opposition à ceux qui pensent que les langues minoritaires doivent être enseignées pour elles-mêmes).

1898
Henri Oddo fait paraître De l'Utilité des idiomes du Midi pour l'enseignement de la langue française, dans la ligne de Frère Savinien. Frédéric Mistral lui répond de façon cinglante dans l’Aiòli, argumentant sur l’apprentissage de la langue d’Oc pour elle-même et fustigeant les « cireurs de bottes » de l’apprentissage du français.

1900
Sylvain Lacoste, félibre membre de l’Escolo Gastou Fébus et instituteur en Béarn, fait paraître l’ouvrage Du patois à l’école primaire (Pau, Vignancourt). Il y milite pour que l’occitan soit enseigné à l’école de la République aux côtés du français et pour lui-même. Les deux premières parties sont publiées dans la revue Reclams de Biarn e Gascougne.

1901
Le Consistoire du Félibrige adresse au ministre de l’Instruction publique, le Lot-et-garonnais Georges Leygues, une lettre demandant expressément la fin de la politique hostile à l’occitan dans l’école française. Elle restera sans réponse.

1902
Une modification du règlement scolaire dans le département des Basses-Pyrénées (Pyrénées Atlantiques) autorise des exercices de traduction du béarnais et du basque en français, dans la limite du nécessaire et uniquement en vue de faciliter aux enfants l’étude de la langue nationale.

1905-1908
Série d’articles de Bernard Sarrieu, professeur de philosophie, dans Era bouts dera mountagno sur “l’utilité pédagogique du gascon”, adressés aux enseignants de la région.

1909-1911
Jean Jaurès publie dans la Dépêche de Toulouse une série d’articles dans lesquels il se déclare favorable au savinianisme, c’est à dire à l’utilisation de l’occitan pour aider les écoliers méridionaux à apprendre le français.

1910
Gaston Doumergue, ministre de l’Instruction publique, dépose à la Chambre un projet de loi interdisant absolument l’usage d’une autre langue que le français dans l’enseignement. Tollé chez les félibres. Valère Bernard, capoulié, adresse au ministre une lettre de protestation au nom du félibrige, qui reprend les termes de celle de 1901.

1911
Le majoral du félibrige Maurice Faure est nommé ministre de l’Instruction publique à la place de Gaston Doumergue. Sa nomination entraîne une vague d’espoir et même d’enthousiasme dans les milieux félibréens. Son ministère se soldera néanmoins par une déception : la position du gouvernement et du parlement ne permettent pas au majoral de faire passer de vraies mesures, malgré une position clairement affichée en faveur de la langue d’Oc à l’école.

1919
Lors de la Conférence de la Paix, la question bretonne est posée à l’appel du député Régis de l’Estourbeillon. Un million de citoyens français, de Bretagne et d’ailleurs, signent une pétition en faveur de la reconnaissance et de l’enseignement du breton. L’ampleur du mouvement atteint, par ricochet, les consciences des défenseurs de l’occitan. La question des minorités linguistiques devient centrale. Ainsi, des enseignements d’occitan sont ouverts dans quelques lycées de Provence et de Gascogne. Ils sont prodigués par des félibres, comme le majoral Pierre Fontan au lycée de Toulon et Frédéric Mistral neveu à l’École primaire supérieure et au lycée d’Avignon ou encore Jean-Victor Lalanne à l’École normale de Pau.

1923-1928 : la Ligue pour la langue d’oc à l’école : un projet prometteur tué dans l’œuf

1923
La Ligue pour la langue d’oc à l’école est créée par les félibres Jean Bonnafous, Jean Charles-Brun et l’universitaire toulousain Joseph Anglade. La revue Oc d’Ismaël Girard relaie ses revendications. Sous l’égide de Bonnafous, la Ligue lance un appel national aux membres de l’Enseignement, avec le soutien du ministre de l’Instruction publique, le félibre gascon Léon Bérard. Dans cet appel, il est exigé que les enseignants n’inculquent plus le mépris de la langue d’Oc aux enfants et ne punissent plus ceux qui la parlent, qu’ils l’utilisent comme appui pour l’enseignement du français, du latin, etc., qu’ils l’enseignent aussi pour elle-même comme “langue de civilisation”, qu’ils intègrent la littérature d’Oc à leur enseignement et fassent travailler les élèves sur des textes occitans, si possible du même “terroir” qu’eux. Dans Oc, Bonnafous développe ses visions pédagogiques pour l’occitan.

1924
Au printemps, l’appel de la Ligue est un succès : on recense près de deux cents adhérents. On trouve parmi eux des académiciens, des doyens de facultés, des inspecteurs de l’Instruction publique, des professeurs d’École Normale. Novembre : le ministre François Albert autorise la tenue de conférences sur la langue d’Oc dans les établissements secondaires et les Écoles Normales du Midi. Lors de la présentation du budget de l’Instruction publique pour l’année 1925, le rapporteur Ducos précise qu’il est important de laisser une place à la langue d’Oc.

1925
Coup d’arrêt à la progression de l’enseignement de la langue d’Oc à l’école : voulant aller trop loin, Bonnafous cosigne avec d’autres acteurs et enseignants de langue d’Oc (dont Alfred Jeanroy et Édouard Bourciez) une lettre au nouveau ministre Anatole de Monzie - originaire de Cahors - afin qu’il fasse une circulaire autorisant formellement l’enseignement de la langue occitane dans les écoles. Monzie réagit négativement, non seulement en refusant de faire la circulaire, mais en plus en en rédigeant une autre le 14 août qui remet en cause fondamentalement la présence de l’occitan à l’école, revenant presque à l’interdire. En novembre, le Béarnais Jean Bouzet dresse un bilan de l’échec de la Ligue qui est en train de se dessiner. Membre actif de la Ligue pour la langue d’Oc à l’école, Bouzet tire pourtant à boulet rouge sur les méthodes employées, sur "l’enthousiasme félibréen” mais aussi sur “l’incompétence” et “l’amateurisme” et conclut à un constat d’échec. Le nouveau ministre, Édouard Daladier, ancien maire de Carpentras et ami de la langue d’Oc, interpellé par les députés bretons et alsaciens, rejette tout droit aux langues minoritaires à être enseignées à l’école, même pour enseigner le français.

1928
Le premier août, la Ligue tente un nouvel appel aux enseignants dans les colonnes de la revue Oc. Ce sera un échec.

1943-1951 : le Groupe Antonin-Perbosc : vers des pédagogies nouvelles pour l’occitan

1943
Hélène Gracia-Cabanes, jeune institutrice héraultaise, se met en relation avec Charles Camproux pour réfléchir à la construction d’une pédagogie nouvelle pour l’enseignement de l’occitan : la méthode Freinet.

1945
Création de l’Institut d’Études Occitanes. Autour d’Hélène Gracia-Cabanes se crée une section enseignement et pédagogie. Autour de l’IEO gravite un groupe d’enseignants versés dans les nouvelles pédagogies, qui prend le nom de Groupe Antonin-Perbosc. Ce n’est toutefois pas un groupe occitaniste, et la sauvegarde de l’occitan est moins son projet que le travail sur les pédagogies nouvelles de l’École moderne, même s’il intègre l’occitan de plein droit dans son projet. Il publie à partir de 1947 un bulletin, Escòla e Vida. De son côté l’IEO possède un Centre de l’Enseignement, peu actif.

1951 à nos jours  : le temps des lois : la prise en charge par les pouvoirs publics de l’enseignement de l’occitan

1951
11 janvier : loi Deixonne, qui autorise l’enseignement facultatif du basque, du breton, du catalan et de l’occitan. Des enseignements sont organisés à Bordeaux, Montpellier, Toulouse, Paris et Aix (ainsi que Rennes pour le breton). L’action de Pierre-Louis Berthaud, élu et journaliste parlementaire, a joué un rôle important dans l'adoption de la loi. Félix Castan présente au conseil d’administration de l’IEO un rapport intitulé Le sens d'une pédagogie occitaniste dans lequel il insiste, au terme d’une longue correspondance avec Robert Lafont, sur la nécessité d’intégrer une section pédagogie à part entière au sein de l’IEO, projet repris par Lafont lors de l’AG de l’IEO la même année. Première parution du Bulletin pédagogique de l'Institut d'études occitanes qui sera un échec, du fait de son trop faible nombre de lecteurs. Premiers stages pédagogiques de l’IEO. Parution de Per jòia recomençar, premier manuel scolaire occitan, sous l’égide des rectorats de Toulouse et Montpellier.

1952
Création officielle de la Section Pédagogiques de l’IEO autour d’Hélène Gracia-Cabanes, Robert Lafont, Félix Castan entre autres. Elle existait toutefois déjà de façon informelle. Elle édite le Bulletin pédagogique de l’IEO. Parution de la version gasconne de Per jòia recomençar.

1956
Les Cahiers pédagogiques, plus tournés vers le grand public, succèdent au Bulletin pédagogique.

1958
Création du Mouvement Laïque des Cultures Régionales (MLCR) à Uzès lors d’un stage pédagogique de l’IEO. Il se donne pour but de promouvoir et développer les langues et cultures régionales dans l'enseignement public. Sa laïcité affichée lui attire la bienveillance des syndicats enseignants, dont la Fédération de l'Éducation nationale (FEN) qui fédère plusieurs syndicats.

1969
Création des CREO, Centre Régionaux des Enseignants de l’Occitan qui réunissent les enseignants du premier degré, du second degré et de l’université de l’enseignement public des académies concernées par la langue d’Oc. D’abord rattachées à l’IEO, ils s’en détachent peu à peu.

1975-1976
La loi Haby (loi 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l’éducation) précise dans son article 12 qu’« un enseignement des langues et cultures régionales peut-être dispensé tout au long de la scolarité ». Les 21 novembre 1975 et 29 mars 1976, des circulaires viennent appuyer le texte en organisant des stages de langues et de cultures « régionales » dans les académies concernées.

1979
La première école Calandreta voit le jour à Pau. Premières écoles bilingues français-occitan, les Calandretas proposent un enseignement en immersion linguistique précoce et suivent les programmes de l'Éducation nationale. La pédagogie y est inspirée des techniques pédagogiques de Célestin Freinet.

1981
Dans la 56e de ses 110 propositions pour la France, lors de sa campagne présidentielle, François Mitterrand indique que : « la promotion des identités régionales sera encouragée, les langues et cultures minoritaires respectées et enseignées ».

1983
Circulaires n°82-261 (Circulaire Savary) et 83-547 du 30 décembre 1983 (Texte d’orientation sur l’enseignement des cultures et langues régionales), établies sur la base d’un rapport de Pierre Lagarde, enseignant d’occitan et d’espagnol, de l’IEO Foix. Ces textes instaurent trois axes : un engagement officiel de l’Etat en faveur de cet enseignement, la création d’un véritable statut de cet enseignement dans l’Education Nationale, le volontariat des élèves et des enseignants. Elle assure notamment une continuité entre le primaire et la 4ème en créant une option facultative d’une heure hebdomadaire en 6ème et 5ème, crée des groupes d’inspecteurs chargés de mettre en œuvre sur le terrain les mesures prévues, et surtout lance l’idée de créer des classes expérimentales bilingues.

1987
Création de la Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Oc (FELCO) qui regroupe les associations régionales d’enseignants d’occitan de l’Éducation nationale. Création de la FLAREP (Fédération pour les Langues Régionales dans l'enseignement public).

1991
Création du CAPES d’occitan.

1994
Ouverture d’Aprene, centre de formation des enseignants des écoles Calandreta. Convention de partenariat entre le Rectorat et la région Midi-Pyrénées pour le développement de l’édition pédagogique par l’attribution de fonds nécessaires.

1995
Aprene est conventionné par l’Éducation nationale. Publication de la Circulaire Bayrou, qui reprend l’essentiel de la circulaire Savary dont l’application a été plus compliquée que prévu. En effet, dans le courant des années 1980, des baisses de moyens dans les budgets alloués à l’enseignement des langues régionales et minoritaires sont enregistrées de façon très nette.

1997
Le premier collège Calandreta ouvre en septembre 1997 à Lattes (Hérault).

2001
Circulaire Jack Lang qui réaffirme l’intérêt du bilinguisme à parité horaire, et aussi celui de l’immersion.

2002
Mise en place d’un concours spécial d’occitan pour le primaire.

2018
Création de l’agrégation d’occitan.

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Gustave de Galard et les estampes occitanes
Escarpit, David (1980-....)

Gustave de Galard et les estampes occitanes

Éléments biographiques


Le comte Philippe-Gustave de Galard (L'Isle-Bouzon, actuellement Gers, 1779 - Bordeaux, 1841) est issu d'une ancienne famille de la noblesse gasconne de Lomagne. Troisième fils du marquis Joseph de Galard et de Marie Suzanne Vignes-Sainte-Croix - issue d'une vieille famille bordelaise - il est destiné comme fils de gentilhomme à la carrière des armes, et envoyé à l'école militaire de Sorèze.
Né dans un milieu royaliste profondément catholique, il se voit obligé, pendant la Révolution, de vivre une vie de clandestinité. Son père est guillotiné en 1793, ses biens de famille confisqués, sa mère arrêtée tandis que son frère aîné sert dans l'armée des Princes, l'armée contre-révolutionnaire des nobles émigrés.
Galard émigre et restera hors de France pendant neuf ans. Il passe successivement en Espagne, puis dans l'île antillaise de Saint-Thomas, alors sous gouvernement danois.. Selon son biographe Labat, il semble qu’il se soit alors vu contraint de pratiquer la peinture comme ouvrier, avant de se lancer dans la peinture artistique. Galard vit quelques temps encore aux États-Unis, à Philadelphie, puis en Angleterre et en Suisse, avant de rentrer en Europe lors de l’amnistie des émigrés en 1802.
Il s’installe à Bordeaux, dans le quartier élégant des Quinconces, au numéro 9 de la rue de Condé. Il s’y établit définitivement comme artiste-peintre et graveur, avant de s’initier en 1815 à la lithographie, technique moins onéreuse que la peinture à l’huile, qui lui permet de réaliser des oeuvres destinées à un public plus populaire. Ses talents de portraitiste lui confèrent une certaine renommée locale.
Gustave de Galard est surtout connu pour son œuvre de peintre des mœurs et de la vie populaire bordelaise, popularisée par l’édition de ses œuvres en gravure et lithographie. Entre 1818 et 1835, il publie une série de recueils de gravures et de lithographies sur la vie quotidienne et le patrimoine architectural de la région bordelaise, souvent accompagnés de textes descriptifs d’Edmond Géraud, fondateur de la revue la Ruche d’Aquitaine.
En 1838 il commence à être exposé au Salon, à Paris. En 1895-96, Gustave Labat, un érudit bordelais, édite chez Féret à Bordeaux le catalogue de ses œuvres, même s’il semble qu’un grand nombre encore à ce jour n’ait pas été répertorié et se trouve dans des collections privées.

Galard et l’occitan


Par ses séries de gravures et lithographies sur la vie populaire bordelaise et la présence de la langue locale dans ses œuvres, Gustave de Galard mérite de figurer parmi les personnalités de la pré-renaissance occitane (fin XVIIIe-milieu du XIXe siècle). Galard fait en effet partie de ce Romantisme des pays d'oc qui se situe à la croisée des chemins entre la révélation par leurs œuvres d’une pratique de la langue occitane très prégnante dans la vie et l’identité locale, et la redécouverte savante de l’histoire et des grands écrits occitans du Moyen Âge (troubadours, « geste » de la croisade contre les Albigeois, etc.).

À Bordeaux, Galard était l’exact contemporain de Jean-Antoine Verdié dit Mèste Verdié (1779-1820), écrivain, poète et chansonnier gascon de Bordeaux, véritable figure tutélaire de la culture populaire bordelaise. Galard a vécu à Bordeaux en même temps que Verdié triomphait avec ses farces en occitan et francitan. La preuve du lien qui unit les deux hommes est donnée par le premier biographe de Galard, Gustave Labat qui, en 1898, cite plusieurs vers de Verdié avant de préciser ceci : « L’aimable et bonne Mme de Sermenson, qui connaissait meste Verdié sur le bout des doigts, s’amusait à nous réciter ces vers quand nous allions, en compagnie du peintre Eugène Claveau, passer la journée avec elle dans sa ravissante propriété de Bouliac, sur le point culminant du coteau, près de la vieille église romane, et elle ajoutait : “Vous riez, n’est-ce pas ? Eh bien ! vous auriez pleuré de les entendre dire par Gustave de Galard, tant il y mettait de sentiment et d’expression”. » 1

Galard, gascon de naissance, n’était donc pas insensible à la production occitane du Bordeaux de son temps et semblait donc bon connaisseur des œuvres de Verdié. Nous savons en outre que Galard eut au moins une connaissance commune avec Verdié, il s’agit du polygraphe et écrivain bordelais Edmond Géraud (1775-1831). Poète exclusivement francophone d’inspiration romantique, tourné vers l’esthétique des ruines, des épopées du passé, Géraud, ainsi que le souligne Philippe Gardy, manifeste une sensibilité pour l’Occitanie médiévale que l’on redécouvrait précisément à son époque.
Galard introduisit de l’occitan à plusieurs reprises dans ses œuvres, sous la forme de petites légendes directement placées sous les gravures, indiquant ce qu’est en train de dire le personnage représenté, et devant donc être distinguées des commentaires, en vis-à-vis, de Géraud. Nous en trouvons une dans son premier recueil de 1818-19, Recueil des divers costumes des habitants de Bordeaux et des environs, dessinées d’après nature... où la planche n° 4 montre un jeune laitier en costume béarnais qui annonce Layt ! (lait). Dans L'Album bordelais ou Caprices (1823), la planche 19 montre une marchande de sardines qui proclame « Daoüs Rouyans, daoüs Rouyans tout bioüs ! » (des sardines, des sardines vivantes), tandis que la 20 représente une vendeuse de paille de maïs des environs de Macau, au nord de Bordeaux, qui annonce « Qui baoü dé la paillé dé blat d’Espagne ? » (qui veut de la paille de maïs ?). Dans l’Album départemental, ou Bordeaux et ses environs, réalisé avec le lithographe bordelais Légé, la planche 12 montre une marchande de vin qui proclame : « Aquet n’es pas baptisat !! » (celui-là, il n’est pas « baptisé », ainsi qu’on désigne le vin frauduleusement coupé d’eau), tandis que la 15 montre une dispute de femmes du peuple, l’une jetant du sable dans les yeux de l’autre en lui criant : « Baqui per tu !! » (voilà pour toi). Philippe Gardy a consacré un chapitre de son ouvrage sur Verdié à l’étude des correspondances entre les oeuvres respectives de Verdié et Galard2

 Galard peut être considéré comme le versant pictural de l'œuvre de Verdié, avec son inscription dans la réalité locale et son goût pour la représentation de personnages et de scènes populaires dont certaines font directement écho à des scènes de Verdié. Mais, comme Verdié, il possède également des liens avec les milieux savants qui, à cette même époque, commencent à penser l'histoire des pays d'oc.

1↑1     LABAT, Gustave, 1898. Gustave de Galard, sa vie, son oeuvre     (1779-1841), supplément. Bordeaux, Féret ; Paris,     Libraires associés, pp.9-10.

2↑GARDY, Philippe, 1990. Donner     sa langue au diable. Vie, mort et transfiguration d’Antoine     Verdié, Bordelais, suivi d’un Essai de bibliographie des oeuvres     gasconnes et françaises d’Antoine Verdié par François PIC.     Montpellier,     S.F.A.I.E.O. ; Église-Neuve-d’Issac, FÉDÉROP
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Auger Gaillard, poète de Rabastens
Escarpit, David (1980-....)

Sa vie, son œuvre (synthèse)

Auger Gaillard (vers 1530-1595) était originaire de la ville de Rabastens, entre Gaillac et Toulouse, à la limite des actuels départements du Tarn et de la Haute-Garonne. Il était issu d’une famille d’artisans charrons, métier qu’il exerça lui-même avant d’entrer brièvement dans les ordres. Ayant quitté son monastère, il se convertit au protestantisme et s’engage comme soldat dans le contexte des Guerres de religion. Retourné à la vie civile, vers 1576, il retrouve son métier de charron à Rabastens, tout en exerçant comme ménétrier, chansonnier et musicien auprès des grandes familles rabastinoises. Parti s’installer à Pau, il rédige son testament le 25 mai 1595 et meurt sans doute peu après.
Auger Gaillard est une figure originale dans le contexte de la Renaissance littéraire occitane, marquée notamment par l’émergence d’une littérature religieuse (traductions des psaumes) et d’une poésie savante (avec la figure du Gascon Pey de Garros) et pour la première fois, engagée dans un discours identitaire en faveur de la culture des pays d’oc (ce qui n’est pas le cas d’Auger Gaillard). C’est également la période qui voit se développer le genre des noëls en langue occitane.

L’œuvre poétique d’Auger Gaillard

Auger Gaillard a laissé huit ouvrages dont quatre seulement sont véritablement parvenus jusqu’à nous. Deux nous sont connus par des extraits et des fragments, et deux enfin sont totalement perdus. Il s’inscrit dans un genre d’inspiration populaire, une poésie volontiers farcesque, grivoise et burlesque, qui a pour cadre le quotidien. Cet aspect stylistique, Gaillard le revendique lui-même dans un de ses sonnets en français.

Las Obros considéré comme le premier recueil d’Auger Gaillard, a été imprimé en 1579 à Bordeaux. Elles contiennent 49 poèmes, dont 40 en occitan et 9 en français. Disponible sur Gallica, cette édition a été rééditée en fac-simile en 2014 chez Chapitre, avec un système d’impression à la demande.

Lou Libre gras (1581), interdit par le consistoire de Montauban, ne nous est pas parvenu, si ce n’est par des fragments publiés ultérieurement dans Lou Banquet.

Recoumandatious (1582 ou 1583) est un ouvrage dédié au roi Henri III et à son favori le duc de Joyeuse, dont deux exemplaires nous sont parvenus. Gaillard y fait œuvre de courtisan, cherchant des subsides pour financer l’impression de son ouvrage suivant, Lou Banquet.

Lou Banquet (1583), imprimé à Paris, principale oeuvre de Gaillard, qui reprend plusieurs extraits de ses ouvrages antérieurs (dont 25 des Obros et 3 du Libre gras, par ailleurs perdu), auxquelles il ajoute 88 oeuvres inédites, dont 79 sont en occitan. Les styles abordés sont des plus variés.
L'Apocalypse ou Révélation de Saint-Jean (1589), ouvrage imprimé à Tulle chez Arnaud de Bernard, regroupe plusieurs textes en français et en occitan. Si le livre complet est perdu, plusieurs fragments en ont été retrouvés, notamment à la bibliothèque de Pau, et il a été possible de reconstituer le livre, du moins en partie. On ignore s’il y avait des parties supplémentaires. M. Soulice, bibliothécaire de la BM de Pau a publié en 1874 dans la 2e série, tome 3 du Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau (pp. 22-44) un fragment qu’il a retrouvé.
Ce texte est disponible sur Gallica  et a été réédité en fac-simile chez Chapitre, avec impression à la demande.
C’est André Nègre qui, dans son édition de 1970, propose la première version “complète” restituée de L’Apocalypse d’Auger Gaillard.

Description du chateau de Pau (1592), ouvrage perdu.

Les Amours prodigieuses d’Augier Gaillard, sans lieu d’impression, 1592.  [imatge id=20942]
Ernest Nègre suppose qu’il a été imprimé à Pau où Gaillard était censé se trouver à cette époque, mais rien ne permet d’étayer cette hypothèse.

Le cinquième livre (1593 ?) : Ce livre n’est connu que par le témoignage de l’érudit et juriste palois Gustave Bascle de Lagrèze (1811-1891), qui prétendait en posséder le seul exemplaire. Les inventaires de sa bibliothèque à son décès n’ont cependant pas permis de localiser l’ouvrage, dont il cite plusieurs vers en français et en occitan. Ces extraits, publiés par Ernest Nègre, sont tout ce que nous connaissons du livre.
Signalons que, selon Nègre, Auger Gaillard avait intitulé cet ouvrage ainsi parce qu’il le considérait comme son cinquième, et les Amours prodigieuses comme son quatrième. Il ne semble donc pas avoir compté dans sa bibliographie la Description du chateau de Pau, ouvrage de circonstance, ni les Recoumandatious, recueil d’éloges au roi et à son favori en vue de recueillir des fonds.

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Pierre Pessemesse, figure atypique de l'occitanisme provençal
Bertrand, Aurélien
Escarpit, David (1980-....)


Pierre Pessemesse (1931-2018), est un auteur provençal de langue occitane, aussi bien engagé de côté de l’Institut d’études occitanes (I.E.O) que de celui du Félibrige.

Issu d’une famille vauclusienne qui pratique l’occitan au quotidien, il ne découvre les mouvements associatifs occitans qu’au début des années 50, faisant ainsi le lien entre son « patois » et la langue d’auteurs prestigieux comme Frédéric Mistral. Peu de temps après, il découvre la revue littéraire Oc tenue par la nouvelle génération des occitanistes liée à l’IEO et menée par Robert Lafont. C’est cette génération qui sait attiser la curiosité et l'intérêt de Pierre Pessemesse, aussi bien engagé dans la création littéraire que la pensée théorique, politique et militante. Ainsi, à l'exception de son premier recueil Li graio negro (Les corneilles noires), qu’il co-écrit avec Serge Bec, une grande partie de son œuvre est rédigée dans la graphie de l’IEO et éditée par l’Institut.
Passionné par les langues, licencié d’allemand, son engagement militant est marqué par une défense permanente de la langue d’oc, aussi bien à titre personnel qu’à celui de maire de sa commune des Buoux (Vaucluse) qu’il dirigera pendant 28 ans. C’est à ce titre qu’il parraine en 1974, la candidature régionaliste de Robert Lafont à l’élection présidentielle française. Il est également un des membres historiques du PEN club de langue d’oc, section occitane du PEN club international, association d'écrivains internationale qui a pour but de « rassembler des écrivains de tous pays attachés aux valeurs de paix, de tolérance et de liberté sans lesquelles la création devient impossible ». Il est également entre 2002 et 2018, le président de la section occitane du Comitat d'afrairement occitano-catalan (Comité de jumelage occitano-catalan ; CAOC), association qui a pour but de développer les relations entre les cultures occitanes et catalanes. C’est à partir de la seconde moitié des années 2000 qu’il amorce un retour au sein du félibrige, couronné en 2012 par le titre de « Mèstre en Gai Saber ». C’est durant cette époque qu’il se rapproche du PNO (Parti de la nation occitane), publie régulièrement dans Lo Lugarn, la revue du parti, sans toutefois jamais adhérer à celui-ci. Il sera enfin un acteur de l’activité de l’Association Internationale d’Études Occitanes (AIEO) jusqu’à sa mort.

Personnalité marquante et iconoclaste, auteur d’une œuvre littéraire originale, très au fait des considérations littéraires de son temps, aussi bien françaises qu’occitanes, Pierre Pessemesse est l’un des écrivains provençaux de langue occitane les plus importants et les plus atypiques de la génération d’après-guerre. Il compte d’ailleurs parmi les premiers prosateurs de sa génération.
Ses prises de positions tranchées et son travail souvent provocateur ont parfois pu lui valoir certaines inimitiés tant du côté des penseurs que des militants de tous bords, politiques comme culturels, félibres comme occitanistes.
Reste son œuvre littéraire, d’une qualité indéniable, totalement inscrite dans le renouveau et le questionnement de son temps. À ce titre on peut relever le roman Nhòcas e bachòcas (1957), qui conte le quotidien d’un jeune homme au sortir de la Seconde guerre mondiale avec en trame de fond la fracture vécue par les jeunes occitans dans une société rurale traditionnelle partiellement occitanophone et une société moderne, plurilingüe et cosmopolite. Enfin, son triptyque De fuòc amb de cendre (1973, 1976, 1978) qui conte le parcours de deux jeunes occitans engagés dans les forces SS par idéalisme, demeure une pierre angulaire de la littérature occitane de la seconde moitié du XXe siècle par toutes les thématiques et problématiques qu’il soulève.

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Ballets occitans de Toulouse
Escarpit, David (1980-....)

Les Ballets occitans de Toulouse sont une compagnie de spectacle vivant créée en 1962 par Françoise Dague. La compagnie a joué un rôle majeur pour le renouveau culturel occitan, en particulier en matière de musiques et danses dites traditionnelles ou populaires et fut à l’origine de la création du Conservatoire occitan de Toulouse. [imatge id=21632] 

Françoise Dague

[imatge id=21633] Originaire du Limousin, Françoise Dague est immergée dans la culture populaire et la langue occitane par l’action de sa mère, Cécile Leygue-Marie (1905-1988), ingénieure-agronome, folkloriste réputée, passionnée de costume traditionnel qui, au contact du monde rural par son métier, va constituer une collection de premier plan aujourd’hui exposée au Musée des Jacobins à Auch.  [imatge id=21635]
La création des Ballets occitans dès le début des années 1960 participe d'une volonté de mettre en valeur la culture occitane au travers d'une troupe de musiciens-danseurs-chanteurs professionnels. Diplômée des Beaux-Arts, connaisseuse experte du costume traditionnel des pays occitans, chanteuse, danseuse, elle est aussi une grande costumière.

La compagnie des Ballets occitans de Toulouse

La troupe fait figure d'ambassadrice et de vitrine d'une culture occitane décomplexée, fière de ses héritages et spécificités culturelles - musique, danse, costume, langue, etc. - qu’elle rend ainsi « digne » du spectacle professionnel. Les ballets jouent en Occitanie et dans le monde entier : tournées en Grèce (1963), Allemagne (1964), Turquie (1965), Suisse (1966), Israël (1967), Hollande (1968), etc. La compagnie enregistre plusieurs disques, dont les deux premiers, en 1967 et 1969, sortent chez Philips. [imatge id=21634]
Le modèle de référence est celui des Ballets russes d'Igor Moïsseïev, c'est-à-dire une compagnie artistique de spectacle contemporain dont l’esthétique est enrichie de la culture folklorique authentique dépouillée de tous oripeaux susceptibles de la caricaturer.
Cette création s’inscrit dans un premier moment du revivalisme culturel avec la création de compagnies qui proposent des prestations scéniques mettant en valeur les danses et les costumes traditionnels : le Ballet national de danses françaises créé en 1961 par Jacques Douai et Thérèse Palau ou encore les Ballets populaires poitevins.

Véritablement pionnière, créée une décennie avant le grand mouvement de renouveau folk, le projet évolue au fil du temps : aux musiciens de type académique, interprétant les œuvres sur des instruments d'orchestre symphonique, se substitue une recherche organologique afin de retrouver et de réutiliser des instruments traditionnels occitans tels que le graile (hautbois du bas-Languedoc), la bodega (cornemuse de la Montagne noire), la boha (cornemuse gasconne), etc. Le chant, la diction sont travaillés, ainsi que les pas de danse afin de se rapprocher d'un rendu aussi proche que possible de la réalité traditionnelle.
En recherche permanente d’authenticité et d’originalité esthétique, la compagnie des Ballets occitans et Françoise Dague sont à l’origine d’importants fonds de collectes ethnographiques et ethnomusicologiques. Elle est à l’origine de la création à Toulouse, en 1971, du Conservatoire occitan chargé dès son origine de conserver et valoriser les fonds d’enquêtes orales, de transmettre les pratiques musicales et dansées mais aussi des cours de langue occitane par des ateliers publics et très vite de conserver les savoir-faire instrumentaux et de fournir aux musiciens de plus en plus nombreux des instruments avec des ateliers de facture instrumentale.

Les ballets occitans accueillent toute une nouvelle jeune génération qui sera ainsi sensibilisée et formée, parmi laquelle débute de nombreuses personnalités du renouveau culturel occitan contemporain : Jean-Pierre Lafitte, Claude Sicre, Rosina de Pèira, Pierre Corbefin, Xavier Vidal, etc.

Les Ballets occitans ont disparu à la fin des années 1980. Les archives de la compagnie (enregistrements et captations de spectacle, photographies, dossiers documentaires, etc.) sont conservés an Conservatoire occitan des musiques et danses traditionnelles (COMDT).

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La Cadichounne
Escarpit, David (1980-....)

La Cadichounne de Bordeaux (1877-1878), premier journal politique en occitan

Le lundi 10 septembre 1877, dans un contexte politique tendu entre républicains et royalistes, à la veille d’élections législatives qui s’annoncent virulentes, paraît dans les rues de la capitale girondine un nouveau journal, d’opinion  clairement royaliste, entièrement rédigé en occitan : La Cadichounne.

Le nom choisi se réfère à l’univers du poète gascon Meste Verdié et des recardeyres, les marchandes ambulantes bordelaises. Ces recardeyres ont le verbe haut et l’insulte facile. Le ton est donné d’emblée dans le titre du journal : il s’agira de faire preuve de franc-parler, de dire ce que l’on pense sans crainte d’offenser, et au besoin d’allumer la mèche de la polémique. Le rédacteur en chef, directeur et concepteur du journal est un certain Eugène Druilhet-Lafargue.

Le journal paraît en deux séries : d'abord onze numéros du 10 septembre au 17 novembre 1877, puis 12 numéros (dont neuf seulement nous sont parvenus) entre le 15 décembre 1877 et le 30 avril 1878, mais cette seconde série en réalité montre une Cadichounne qui est devenue un journal satirique en français avec quelques textes occitans.

La Cadichounne n'est pas le premier journal entièrement publié en occitan : sa parution est postérieure de dix mois à celle du périodique marseillais Lou Tron de l’Èr, dont le premier numéro paraît le 6 janvier 1877. Cependant La Cadichounne s’affiche comme un cas à part, d’abord du fait qu’il se donne pour ambition d’être entièrement en occitan, des titres aux publicités finales, sans un seul mot de français, et surtout qu'il s'agit d'un journal d'opinion, un journal politique (ce que n'était pas Lou Tron de l’Èr).[imatge id=20685]

Un contexte politique tendu : la lutte entre républicains et royalistes

Le contexte est celui d’une crise politique qui a entraîné la quasi-paralysie de l’État : la crise parlementaire de 1876-1877, laquelle voit la République en tant que force politique prendre véritablement le pouvoir, malgré les tentatives du président légitimiste Patrice de Mac Mahon. Les origines de la crise remontent à son élection au printemps 1873. Face à la montée du camp républicain, mené par Léon Gambetta, le vieux maréchal se raidit dans son attitude de « lieutenant général du royaume ». Les élections législatives de février-mars 1876, prévues par les lois organiques de 1875 qui instaurent les bases de la IIIe République, confirment la poussée républicaine. Les préfets reçoivent des directives sévères : interdiction et saisies de journaux, interpellations.

En Gironde, le préfet Jacques de Tracy applique avec rigueur ces directives. Gambetta, député de Bordeaux, fait voter le 17 mai une motion de défiance contre le gouvernement. Mac Mahon dissout la Chambre le 25 juin 1877. Les nouvelles élections législatives auront lieu les 14 et 28 octobre. La campagne commence en septembre, marquée par une violence dans les échanges entre protagonistes des deux camps. C’est dans ce contexte que paraît La Cadichounne.

Un journal taillé pour le combat.

Avec ses trois colonnes à la une (le même format que La Petite Gironde à la même époque), son goût prononcé pour les titres percutants, pour les dessins satiriques, pour les slogans efficaces, La Cadichounne est un journal d’affrontement, de polémique et de provocation. On sent que Druilhet a fabriqué son journal comme il a pu, un peu de bric et de broc. C’est un journal de récupération, qui recycle des matériaux d’autres organes de presse et même de livres. Mais les articles sont, eux, originaux.

Pour ses illustrations, Druilhet insère de nombreuses gravures pittoresques. Ces gravures ne sont pas originales, elles n’ont pas été réalisées exprès pour La Cadichounne. Elles proviennent des Contes balzatois. Ces petits contes villageois ont pour cadre la vie rurale de deux petits villages charentais : Balzac et Vindelle. L’auteur, Jean Condat dit Chapelot (1824-1908) a rencontré un réel succès à Paris avec ces petits contes naïfs et humoristiques. Il fait appel au dessinateur en vogue Barthélémy Gautier (1846-1893) pour illustrer ses histoires. Gautier commence à se faire un nom de dessinateur dans la presse parisienne : Le Petit Journal pour rire, Le Journal amusant, La Vie parisienne, mais aussi Le Gaulois. Dans La Cadichounne sont insérées, à la fin de chaque numéro, des publicités (en occitan) pour les contes de Chapelot. Il n'y a aucune trace connue de collaboration officielle entre Chapelot ou Gautier et Druilhet-Lafargue, autorisant ce dernier à recycler les illustrations des Contes balzatois. Le dessinateur n’est d’ailleurs cité à aucun moment dans La Cadichounne comme auteur des gravures. Une simple phrase, au bas des publicités, précise que lous imatges de La Cadichounne soun tirats d’aquets countes. Il est difficile de dire si Druilhet avait réellement l’autorisation de réutiliser ces œuvres. Dans tous les cas, cela permet à La Cadichounne de s’offrir pour ses colonnes une « pointure » de la caricature de presse parisienne du temps.

Qu’est-ce qui a pu motiver Druilhet-Lafargue, royaliste et catholique intransigeant, à recycler les illustrations des contes de Chapelot, républicain modéré et probablement franc-maçon ? Rien ne nous permet de l’affirmer, mais vraisemblablement la seule nécessité d’avoir d’urgence des illustrations de qualité pour son journal en déboursant le moins possible, et rien du tout si possible.

Eugène Druilhet-Lafargue : « le petit lutteur courageux » (P.-L. Berthaud).

Eugène Druilhet-Lafargue est un personnage mal connu. Propriétaire, rentier, Druilhet-Lafargue était un publiciste, un polygraphe, amateur éclairé à la façon du XIXe siècle, membre de plusieurs sociétés savantes, publiant brochures et monographies sur des sujets aussi disparates que la botanique, la biologie, la paléontologie, l'agronomie, la zoologie, la philosophie ou encore l'archéologie. Il était également musicien, joueur d'harmonium réputé. Ses adversaires même saluent sa « distinction » et son élégance. Catholique militant, de sensibilité orléaniste, proche de l’Ordre Moral, Druilhet s’est à plusieurs reprises attaqué au positivisme et au scientisme de son temps et semble s’être passionné pour la question de la conciliation des sciences et de la religion. Druilhet fut aussi un homme politique, puisqu’il fut candidat malheureux aux élections législatives à Bordeaux face à Léon Gambetta en personne. Il fut aussi un éphémère président de la commission municipale de Caudéran, exerçant par décret présidentiel la fonction de maire de la commune.

Membre de plusieurs sociétés savantes, en Gironde et au-delà, Druilhet-Lafargue a pu côtoyer au sein de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux quelques personnalités locales attachées à l’occitan, comme l’abbé Hippolyte Caudéran, l’abbé Arnaud Ferrand, Achille Luchaire, Jules Delpit, Jean-François Bladé ou encore Léo Drouyn.. Également membre correspondant de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, Druilhet pouvait y rencontrer des personnalités attachées à la cause de l’occitan dont l’abbé Justin Bessou (1845-1918), une figure pionnière du félibrige en Aveyron.

Un journal bordelais et panoccitan

 

Dans La Cadichounne,  le choix de l'occitan est justifié par un discours linguistique que nous pourrions quasiment qualifier de militant qui s’attaque aux enrichis franchimands et dédaigne la langue du pays afin de s’élever en apparence sur l’échelle sociale. Il fournit également des données chiffrées – fantaisistes mais l’intention est là – et des propos qui renvoient en grande partie à la tenue, en octobre 1861, de la vingt-huitième session du Congrès scientifique de France, dont les actes furent imprimés chez les imprimeurs associés Coderc-Dégreteau-Poujol en 1864. Ils renferment notamment le Mémoire sur les idiomes du Midi de la France en général, et sur celui du centre de la Guienne en particulier, de l’inspecteur de la Société Française d’Archéologie, Auguste du Peyrat, qui semble avoir marqué les esprits bordelais. Nous verrons que le contexte bordelais, ainsi que les relations et les champs d’activité de Druilhet-Lafargue explique cette portée théorique et revendicative. Si l’on ajoute à cela qu’il existait alors au sein de l’Académie de Bordeaux plusieurs personnalités intéressées par l’étude et la valorisation de ce qu’on commençait déjà à appeler la « langue d’oc », que les oeuvres complètes de Verdié venaient d’être réimprimées, il apparaît que Druilhet-Lafargue baignait dans un climat sensibilisé à l’occitan. Il existait dans le Bordeaux de cette époque un intérêt de certains intellectuels locaux pour l'occitan, même s'ils ne forment clairement pas un « front » unifié. Druilhet, quand il s’amusera à attaquer des journaux républicains bordelais, recevra d’ailleurs de certains d’entre eux des réponses plus ou moins aimables en occitan. Notons du reste qu’un (ou une) des chroniqueurs(euses) du journal signe « Clémence-Isaure », du nom de la fondatrice mythique du Consistòri del Gai Saber de Toulouse.

Cet élément explique que, seul de tout le paysage de la presse bordelaise, Druilhet-Lafargue fasse montre dans son journal d’une approche réflexive sur l’occitan, ou pour être exact, qu’il utilise un discours tendant à valoriser l’occitan comme argument contre ses détracteurs.

En ce qui concerne la langue, c’est bien de l’occitan bordelais qui est employé. Druilhet n’est pas particulièrement attentif à la qualité de sa langue, c’est le moins que l’on puisse dire : gallicismes, barbarismes et erreurs de syntaxe émaillent un occitan que l’on ressent néanmoins comme authentique. Il fourmille par ailleurs d’expressions idiomatiques et de localismes. Certains chroniqueurs – qu’il s’agisse de Druilhet lui-même ou non – revendiquent même une appartenance locale, l’emploi du parler pishadèir c’est à dire celui du quartier Saint-Michel. Il y a dans La Cadichounne nous l’avons dit une dimension engagée, qui en fait non seulement le premier journal politique de langue occitane, mais le premier journal de cette sorte à porter un discours revendicatif sur l’occitan. À partir du n° 3 (22 septembre), paraît en outre dans chaque numéro de La Cadichounne un extrait de l’Essai grammatical sur le gascon de Bordeaux. Guillaoumet debingut grammérien (Bordeaux, Coderc-Dégreteau-Poujol, 1867) de Guillaume Dador. Cette présence peut s’analyser de plusieurs façons : besoin d’étoffer le contenu du journal, vite à court d’informations au fur et à mesure que les échéances pour lesquelles il était né passent ; parrainage d’un auteur d'expression occitane bien connu à Bordeaux dans les milieux catholiques, mais aussi peut-être intérêt simplement pédagogique, pour une grammaire « du peuple », accessible malgré ses défauts. La Cadichounne se pare donc d’une dimension supplémentaire, à prétention pédagogique : on peut même y trouver un cours d’occitan en feuilleton.

Avec le temps et la nécessité de varier le contenu pour ne pas lasser le public, nous voyons apparaître des contributions dans d’autres variantes de l’occitan : en parler du Bazadais, puis du Libournais d’abord. Puis, dans les derniers numéros, nous rencontrons des textes de l’abbé Léon Maumen (1803-1888) d’Aire-sur-l’Adour, figure du parti catholique dans les Landes, et même un sonnet nîmois, extrait de L’Embarras de la fieiro de Beaucaire célèbre texte de 1657, par Jean Michel (1603-1689) dans son édition de 1700, que Druilhet a probablement tiré de ses connaissances philologiques occitanes. Vers la même époque, Druilhet comble des vides de plus en plus béants dans les colonnes de La Cadichounne en y faisant paraître de larges extraits des Usages et chansons populaires de l'ancien Bazadais : Baptêmes, noces, moissons, enterrements de Lamarque de Plaisance (Bordeaux, Balarac, 1845). Le journal, alors même qu’il est sur le déclin, revêt donc en apparence une dimension panoccitane inattendue. Mais bien sûr, tous ces artifices ne servent qu’à cacher une réalité qui n’est que trop visible : l’occitan recule, au profit d’articles en français, et ne se réduit bientôt plus qu’à un ou deux textes, une chanson, au milieu d’un journal quasiment francophone.

La Cadichounne présente ainsi dans ses colonnes, courant septembre 1877, un roman-feuilleton, qui est le deuxième en langue occitane connu. C’est un roman d’inspiration réaliste et d'atmosphère sombre, qui n'est pas sans rappeler les styles de Ponson du Terrail ou d'Eugène Sue : Lou Curt daous praoubes, signé Suzanne Blanc dite Mayan. Seuls les trois premiers feuilletons seront publiés  dans les colonnes de La Cadichounne, laissant l'ouvrage inachevé. Ce roman suit de sept ans l’œuvre du chroniqueur bordelais républicain Théodore Blanc (1840-1880) qui, en 1870, avait fait paraître dans La Gironde du Dimanche le premier roman-feuilleton en langue d’oc jamais répertorié, Caoufrès, roman de guerre également inachevé après onze livraisons.

Pour le reste, les recettes de La Cadichounne ne diffèrent pas de celles des autres journaux satiriques de l’époque : attaques frontales, ton ricaneur, grinçant et cynique. Les candidats républicains sont moqués sur leurs physiques, leurs traits de caractère, leurs défauts (bégaiement, manque d’éloquence, irritabilité), leurs religions ou leurs engagements idéologiques. Des chansons, parfois d’origine, parfois détournées d’airs connus, émaillent le journal que viennent égayer les gravures de Barthélémy Gautier. Ces chansons sont impitoyables, comme les articles qui les accompagnent. Nous trouvons à plusieurs reprises le topos obligé de la scène des deux paysans, l’un – stupide – qui veut voter pour le candidat républicain et l’autre – intelligent et cultivé – qui l’incite au contraire à donner sa voix au candidat conservateur. Le rôle du bon sens et de la clairvoyance est parfois attribué à la propre épouse de l’idiot, qui fait voter son mari pour le camp « qu’il faut » sous la menace de son balai.

    Une fin rapide faute de combattants

Druilhet/Mayan réitère chaque fin de numéro qu’il ne fera pas d’appels de fonds, qu’il s’en sortira tout seul, que La Cadichounne ne se donnera à personne, etc. Bien sûr, il est facile de remarquer l’épuisement des ressorts comiques, du propos et de la verve, surtout après le n°8 (jeudi 20 octobre), qui paraît au lendemain de la victoire écrasante des républicains en Gironde, dès le premier tour (il n’y aura pas besoin d’un second), et le n°11 (10 novembre), au lendemain des élections départementales et d’arrondissement, qui confirment la victoire républicaine. Le « Père Mayan » ne s’en relèvera pas et son journal non plus. Le 30 avril 1878 paraît le dernier numéro de La Cadichounne. Le journal achève sa seconde série, entamée en janvier. Deux mois de silence séparent donc les deux séries de La Cadichounne, mais en réalité tout les sépare. Le journal entièrement rédigé en langue d’oc, a laissé la place à un journal satirique en français, où ici et là vient s’ajouter un article gascon. La Cadichounne avait été créée pour un affrontement : celui-ci passé et perdu, elle n’a plus lieu d’exister. Eugène Druilhet-Lafargue lui aussi disparaît totalement des écrans à la suite de la mort de La Cadichounne. Déjà mystérieux, le personnage devient une énigme. Son nom disparaît des sociétés savantes qu’il fréquentait. Nous le retrouvons quelques années plus tard en Bretagne, où il fait fonction d'éditeur. Le lieu et la date de son décès sont inconnus.